Premier cours de chant. 8 ans.
Romilly entra, toute timide derrière sa mère. Elle salua poliment quand il le fallut, mais sans oser regarder le professeur. La voix de la dame était pourtant douce et ferme – une voix qui donne confiance en la personne qui parle. Après les salutations d’usage et les explications de Marie Duval, Solange Courvelle prit la parole :
« Mademoiselle Romilly, regardez-moi… Je ne vais pas vous manger et il m’est impossible de vous enseigner quoi que ce soit si vous n’osez pas ouvrir la bouche en ma présence ! »Lentement, la gamine leva le regard et osa présenter son visage à sa nouvelle professeur. Celle-ci avait une quarantaine d’années. Encore belle malgré son âge (vieux pour la petite fille), elle avait de beaux yeux noirs et des cheveux longs coiffés dans un chignon strict encore noir lui aussi malgré quelques cheveux blancs. Elle avait un sourire rassurant et les légères rides autour des yeux dénotaient un penchant certain à la bonne humeur.
Solange reprit la parole, satisfaite à l’évidence de l’examen qu’elle-même avait fait de Romilly.
« Allons voir de quoi vous êtes capable. »Elle se dirigea vers le fond de la pièce où un piano trônait. Il ne dépareillait pas dans ce salon bourgeois de la vieille ville. Elle s’assit et fit signe à Romilly de lui faire face. Debout devant le piano, la petite ne savait trop comment se comporter.
« Dos droit. Jambes bien campées sur le sol. Respire à fond puis expire à fond . »
Le ton professoral avait surgit avec le tutoiement. Romilly obéit, mais oublia de recommencer à respirer, ce qui fit rire Madame Courvelle.
« Fais comme moi. »La dame inspira, et joua quelques notes. Elle fit la première vocalise. Elle ne prêta pas attention à Marie qui s’était assise non loin d’elle, mais se concentra sur sa petite élève. L’essai timide de Romilly ne la satisfit certes pas.
« Chante avec ton corps. »Elle se leva et plaça correctement la petite fille. Elle lui remontra les notes et lui dit de réessayer. C’était mieux.
Pendant une heure, la dame montra à la petite des exercices vocaux, des exercices de respirations. Elles finirent sur un petit morceau qui séduisit totalement la gamine.
Quand il fut l’heure, Marie se leva et remercia Madame Courvelle. Romilly à son tour s’exprima :
« Merci beaucoup ! Je reviens quand ? »Avec sa naïveté et son innocence d’enfant, elle fit ainsi comprendre que le cours lui avait plu.
Après un accord entre les deux femmes, la fille et la mère quittèrent la dame et rentrèrent.
« Oh, maman ! C’est comme si on cherchait à toucher les anges. C’est comme si on volait. »Romilly ne savait pas exprimer la joie que lui avait procuré ce premier essai. Sa mère sourit et l’écouta bavarder sur le chemin du retour.
Le soir, dans son lit, Romilly s’endormit sur un air de musique.